Corriger les productions d’écrits n’est pas simple pour l’enseignant et peut s’avérer décourageant pour les élèves. J’ai mis plusieurs année à parvenir à un fonctionnement qui me satisfait et engage l’élève dans une démarche active et encadrée.
Suite à mes dernières publications, j’ai reçu plusieurs questions concernant ma façon de corriger les rédactions de mes élèves. Je vais donc tenter une petite explication pas à pas de ma procédure…
Pour tenter de rendre mes explications claires et concrètes, j’ai pris en photo une production d’élève, à différents stades du processus. Il s’agit d’une rédaction de type « 3 mots en 1 histoire » réalisée à partir de tampons au lieu des images (cf. posts Instagram de janvier 2021 et septembre 2020).
Je suis bien consciente que tous les enfants n’ont pas son niveau d’écriture, il ne s’agit que d’un exemple. Tous mes élèves n’ont pas atteint ce niveau à ce stade de l’année. Mais j’utilise la même procédure, avec plus ou moins d’aide, quel que soit le niveau de l’élève. C’est donc totalement adaptable !
1 – Rédaction du 1er jet
Le détail de cette étape n’est pas le sujet du présent article. Notez toutefois qu’il s’agissait de rédiger un texte à partir des 3 pictogrammes figurant sur le cahier d’écrivain de l’élève.
En lisant le texte, on note l’interprétation que l’enfant fait des pictos : le ♥️ lui a donné l’idée de la Saint Valentin. Le ☠️ a été associé à la méchanceté. Quant à la 🌙, elle figure en l’état dans le texte.
Ce premier jet doit logiquement être suivi d’un temps de relecture autonome. Dans la vraie vie, on sait tous que ce n’est pas facile à instaurer et que les élèves passent souvent cette étape. Mais je ne lâche pas l’affaire et rappelle la nécessité de cette étape à chaque fois !
J’ai conçu une affiche « je me relis » pour guider mes élèves dans ce travail 👉 elle est ici !
2 – Correction de l’enseignant
Phase #1 : à l’oral
Si le temps le permet, je corrige en présence de l’élève. C’est l’idéal mais nous savons tous que ce n’est pas toujours gérable (surtout si, comme moi, vous avez 28 loustics).
Pourquoi est-ce idéal ? Parce que l’élève a un retour immédiat sur sa production, mais surtout un retour oral.
Je commence par lui LIRE sa production, telle qu’il l’a écrite.
C’est un bon moyen de lui faire repérer :
- Les soucis de découpage du texte : un mauvais placement ou une absence de ponctuation entraîne une mauvaise compréhension de l’écrit. Sans ce passage à l’oral, de nombreux élèves ont eu mal à percevoir ce qui ne va pas dans leur texte. Pour eux, ce qu’ils racontent est limpide, forcément.
- Les erreurs phonologiques : Les élèves se rendent compte qu’on n’écrit pas toujours ce qu’on pense avoir écrit ! Et on le sait tous, rien n’est plus difficile que de se relire soi-même. Là encore le passage par l’oral permet de repérer rapidement ses erreurs de graphie : ok une « jirafe » ça peut passer, mais une « gitare », ça n’existe pas !
- Les lacunes de scénario : Si celui-ci est clair dans leur tête, il ne l’est pas forcément pour le lecteur. La lecture à haute voix et les réactions du lecteur apportent donc à l’auteur de nombreux indices sur les endroits du texte qui méritent des ajouts ou des reformulations. L’auteur comprend que le lecteur n’étant pas dans sa tête, il se doit de produire un écrit complet et structuré. D’ailleurs, je n’hésite pas à expliquer à mes élèves que leurs auteurs de littérature préférés font relire leurs textes de nombreuses fois à un panel-test avant de voir leurs ouvrages en librairie ; et que ce travail de relecture est indispensable dans le processus d’écriture, même pour les pros !
Note Si vous n’avez pas le temps de procéder à cette phase orale, essayez tout de même de la privilégier en début d’année afin que l’élève commence à installer des automatismes de relecture. On peut également entrainer les élèves à lire les écrits de leur camarades « tels qu’ils sont », afin de leur permettre de procéder à cette phase de relecture en binômes, sans avoir recours à l’enseignant.
Phase #2 : à l’écrit
Concernant les corrections écrites, je commence par corriger tout ce que l’élève ne peut pas corriger lui-même, selon les notions déjà étudiées et son niveau de maîtrise de ces notions. Certains d’entre-vous s’émerveillaient de voir mes élèves de CE maitriser parfaitement le passé simple… Vous savez maintenant que ce n’est pas le cas ! 😂
Pour ces corrections, j’utilise un stylo noir.
Cela permet, d’une part, de ne pas surcharger la page de rose (oui, je trouve le rouge trop « mainstream » 😆), et donc de ne pas décourager l’élève. D’autre part, cela permet de dédramatiser l’erreur : ok, la maitresse a corrigé ça en noir donc je ne suis pas « nul », c’est juste que je ne pouvais pas le savoir et que j’ai encore besoin d’aide, ce qui est normal à mon niveau !
Dans un deuxième temps, je code les erreurs que l’élève peut corriger seul. J’utilise le stylo rose afin qu’elles soient bien visibles. J’utilise un codage qui m’est propre et avec lequel je suis à l’aise. Ce codage figure sur une affiche « je me corrige » présente en classe (👉 dispo ici), et qui comporte aussi des pistes d’action à effectuer par l’élève.
J’ajoute des aides graphiques pour aider encore plus l’élève. Par exemple, j’entoure le GN mal accordé et annote avec des pictos pour guider la réflexion (3 points = pluriel, 1 point = singulier, etc).
Pour finir, je passe un coup de surligneur vert pastel sous les mots à corriger. De cette manière l’élève repère facilement les éléments sur lesquels doit porter sa réflexion.
3 – Correction de l’élève
L’élève corrige tout ce qu’il sait (ou pense savoir) sur les zones colorées.
Il utilise ses outils pour cela (cahier de sons, leçons, dico…). Les outils à sa disposition sont mentionnés sur l’affiche.
Il demande de l’aide à son binôme pour le reste des erreurs.
Note Quand je dis « son binôme », je parle de son binôme de référence mais il peut demander de l’aide à tout autre élève disponible et disposé à l’aider, bien sûr. Simplement, dans ma classe, chaque CE1 est en binôme « pérenne » avec un CE2, pour renforcer les liens et automatiser l’entraide avant d’avoir recours à l’adulte.
4 – Validation par l’enseignant
Lorsque l’élève a apporté ses corrections, j’en vérifie l’exactitude et apporte mon aide pour les points demeurant problématiques.
Enfin, une fois la correction terminée, je passe un coup de feutre épais sur les mots erronés afin que ne restent visibles que les mots corrigés. Cela évite à l’élève de se perdre au moment de la copie au propre.
J’ai trouvé un feutre foncé, mais assez « translucide » pour que le 1er jet reste lisible au cas où j’aie besoin de revenir sur les erreurs de l’élève. (Je n’ai pas pensé à prendre de photo de cette étape mais je pense que vous avez saisi le concept 😄).
5 – Mise au propre
Dernière étape du processus : l’élève recopie proprement sa production sur le support prévu à cet effet.
Dans le cadre du « 3 mots en 1 histoire » il s’agit de petites feuilles de classeur car nous regroupons toutes les histoires dans un classeur que les élèves aiment consulter à la bibliothèque.
Mais sinon, cela se fait souvent sur le cahier d’écrivain. De cette manière, l’élève dispose de son travail préliminaire et de sa production finale au même endroit. Il peut ainsi mesurer le travail accompli.
Un dernier coup d’oeil pour éliminer les erreurs de copie. Et voilà, c’est fini !
Ces 5 étapes garantissent une correction efficace, sans toutefois surcharger l’élève. Vous l’aurez compris, l’idée n’est pas de le dégoûter, mais bien d’adapter ce travail de correction aux compétences de chaque élève !
Les aides sont donc plus ou moins nombreuses selon les enfants. Et les exigences évoluent au fur et à mesure qu’ils progressent.
En début d’année, en CE1, je corrige quasiment tout moi-même au stylo noir ! 😝 Mais ça ne dure pas.
Alors bien sûr, tout ceci prend du temps… Mais en commençant tôt dans l’année, on se rend compte des progrès et il n’y a rien de plus encourageant… pour le prof ! Parce que oui, nous aussi, nous avons besoin d’encouragements !!
Et chez vous, ça se passe comment la correction des productions d’écrits ?
Image de couverture créée par pch.vector – fr.freepik.com
Bonjour merci beaucoup pour ce travail que j’ai repris en ce1 pour l’auto-correction d’écrits courts en lien avec la lecture compréhension. Je recherche des exercices d’entrainements systématiques d’autocorrection pour entrainer mes élèves dans ces activités car pour l’instant il sont très peu autonomes. Si vous avez des pistes je suis preneuse… merci
Merci , mille mercis, des milliards de mercis !!
Fais-tu parfois de longs textes, c’est compliqué de les leur faire recopier… Manque de temps surtout…
Oui j’en fais. Mais je ne les fais pas toujours recopier au propre à la fin. Ca dépend des fois et de mes objectifs.
Bonjour et merci beaucoup pour tout ce travail. Je suis PES et ça m’aide énormément. Où achètes-tu les tampons ?
Quel bonheur de vous lire…on aurait presque hâte d’être à la rentrée pour tester!
Merci pour ce partage très honnête. J’ai énormément ri en lisant la mention quant aux élèves en école primaire qui maîtriseraient le passé simple. (Certes, j’aurais pleuré s’ils le maîtrisaient en effet déjà, mais c’est une autre histoire :D) Je trouve le procédé formidable, en plus d’être vraiment fan des écritures libres de ce type. Bravo !
Bonjour, un grand merci pour cet article très clair et très inspirant (comme toujours 🙂 ) Côté pratique, quel feutre translucide utilisez-vous pour l’étape numéro 4 de la validation par l’enseignant ? Merci beaucoup !!
Comme d’habitude, c’est le partage d’une réflexion riche et pertinente !! C’est super et en effet très inspirant . Alors un grand MERCI !!!
Merci de partager votre super travail que je suis depuis des années!
Rentrée prochaine en CE1/CE2 pour moi (une grande première !), votre article m’a bien inspirée. Merci beaucoup pour votre partage 😉
Votre démarche me fait envie pour travailler la rédaction avec mes élèves l’année prochaine.
Question pratique : d’où viennent vos tampons ? Je ne trouve que des tampons avec des lettres sur internet.
Merci d’avance !
Un article très clair et très inspirant, merci beaucoup!
Merci beaucoup pour ces idées !
Un grand merci pour ce beau partage d’idées qui me donne envie d’entamer une nouvelle amorce avec mes élèves !
merci beaucoup !
Merci pour la qualité de ton travail et le partage !
C’est tellement compliqué de trouver une « méthode » qui nous conviennent pleinement et qui ne soit pas trop coûteuse en temps.
Merci pour les pistes !
Alors là merci. Ça correspond tellement à ce que je cherchais… Merci merci et merci pour ce partage.
Très intéressant, merci !
Merci une fois de plus pour ce partage . J’utilise souvent votre site qui pour moi est un vrai trésor. Mes élèves sont tous équipés de votre mémo. Bref mille mercis pour votre travail !
Bonjour, merci pour cet article très intéressant et qui va me permettre de faire évoluer mes pratiques! Je me permets une question supplémentaire : comment faire lorsque lors de l’étape 1 (phase orale) on se rend compte que la petite histoire inventée est incohérente ou incompréhensible (dans le déroulement chronologique par exemple ou l’apparition de personnages qui n’ont rien à faire dans l’histoire )? Prenez vous alors le temps de revoir l’ensemble de l’histoire avec l’élève pour que la production ait du sens? Peut-être gardez-vous près de vous les élèves les plus fragiles pour écrire ensemble un texte sensé et compréhensible ? Merci par avance de vos éclairages ou conseils et merci aussi pour tous ces partages qui nous font avancer et réfléchir!
Merci encore au Lutin malin ! Je ne savais pas comment mettre en évidence d façon claire les corrections que j’attendais… Le coup du stabilo, bien sûr… Bon, ça be marche pas avec les surligneurs crayons… il va falloir que je rachète un feutre.
Entendu dans une école :
C’est clair, on est loin du protocole kamoulox !
Je trouve la démarche très intéressante et cela me fait bien réfléchir pour la production d’écrits de mes CM. J’ai toujours du mal à leur faire réécrire quand ils font des textes très longs mais remplis d’erreurs. Peut-être qu’en adaptant ta méthode, je pourrais les rendre plus autonomes dans leur correction. Merci pour ton partage 🙂
Contente de t’inspirer de nouvelles pistes 🙂
Quelles bonnes idées! Je pense m’en inspirer pour mes CM!
Je procède comme toi mais en moins bien : je n’avais pas pensé au stylo noir pour les erreurs qu’ils ne peuvent pas corriger eux-mêmes, ni au surligneur, ni à entourer les groupes de mots qui vont ensemble… Je crois que je vais te prendre des idées… Merci pour ce déroulé très précis et inspirant !!!
Heureuse de te donner de nouvelles pistes !
merci !
Merci beaucoup pour ce partage.
Très bel article ! Merci lutin bazar !!!!
Merci 🙂
Merci énormément pour ce partage qui m’est très utile, moi qui est novice dans le métier.
Juste une question. Ces 5 étapes, vous les déclinez sur combien de séances par semaine? J’imagine 1 séance pour le 1er jet, une autre pour la correction autonome des élèves, et une 3ème pour la mise au propre, c’est ça ? Merci de me confirmer svp car je compte essayer votre méthode le plus tôt possible.
Merci d’avance pour votre réponse
Super !!! ♥️
Oui c’est à peu près ça. Sachant que ça dépend des élèves… Certains font la correction + la mise au propre en une seule séance, s’ils ont peut d’erreurs et/ou écrivent rapidement. Mais en général je prévois 3 temps en effet. 🙂 J’ai 3 créneaux de 30 min de rédaction par semaine, sachant que là aussi je suis souple, certaines semaines on fait plus d’écriture et d’autres plus de lecture.
Wahou! Au top!
Très bonne idée les différents surlignages! Je vais tenter. Mercii pour le partage.
Avec plaisir 🙂
Merci beaucoup pour ce partage, c’est très inspirant
Merci, c’est un joli compliment !